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2020 : Du noir au blanc, puis à la couleur. La tenue de l’infirmière raconte l’histoire d’une profession

17 février 2020
2020 : Du noir au blanc, puis à la couleur. La tenue de l’infirmière raconte l’histoire d’une profession

Tout au long de l’histoire, la tenue représentative d’un métier est le premier marqueur distinctif d’un groupe professionnel. Le vêtement raconte alors un contexte, une symbolique, mais aussi un usage et des pratiques. Revoyons l’histoire de « La blouse blanche », qui à elle seule est porteuse de toute l’évolution d’un métier mais aussi de la place des femmes dans la société.

Le moyen-âge, l’Église au secours des âmes

Au moyen-âge, le rapport à Dieu et à la religion était à peu près le seul recours pour expliquer la plupart des maladies et le premier soin devait être d’ordre spirituel. Ainsi, il était tout naturel que l’on confie cette tâche aux sœurs de l’Église. Celles-ci avaient pour principale mission le soin des âmes et non des corps. La tenue de celles qui prenaient soin était alors simplement celle de l’ordre auquel elles appartenaient : robe de bure épaisse longue et sombre, long voile noir…

L’expiatoire comme modèle de purification !

En 1226 Guillaume d’Auvergne crée à Paris, l’Institution des Filles-Dieu, qui ne sont autres que d’anciennes prostituées repentantes. Cette institution, tout en endiguant la prostitution, mais surtout la mendicité des plus âgées, pouvait recourir à une main d’œuvre gratuite, pour une tâche des plus difficiles à l’époque, dans des villes insalubres. Leur tenue passait alors du plus frivole au plus austère des vêtements.

Le tournant du XIXème siècle, l’hôpital fait sa révolution !

Au XIXème siècle les religieuses règnent en maîtres à l’hôpital et ne respectent pas toujours les préconisations des médecins. Les nouvelles découvertes et les progrès de la médecine et de la chirurgie ne sont pas intégrés par les sœurs qui bien que dévouées manquent de formation.  Le Docteur Bourneville décide alors de créer la première école municipale d’infirmière en 1878 à la Salpêtrière à Paris.

Pour se distinguer, la tenue de l’infirmière devra arborer le signe de la notabilité et de la laïcité, leur tenue sera alors le noir, symbole de l’autorité et de la respectabilité. Elles porteront aussi un bonnet orné d’une cocarde ! Les manches sont longues et la tenue respecte les canons de la mode et de l’esthétique féminine de l’époque : corset et taille serrée : tenue peu pratique et surtout peu hygiénique !

La vengeance du blanc !

Dans la seconde moitié du XIXème siècle, grâce aux travaux de Pasteur, la découverte des micro-organismes pathogènes révolutionne l’hôpital et les soins. Le milieu hospitalier initie des réformes d’hygiène et les tenues du personnel évoluent avec les pratiques aseptiques.

La toile de coton étant le tissu le plus résistant sera choisi car les blouses devront être lavées tous les jours. Le lavage à 90° nécessaire à l’asepsie, impose une toile non teintée, car les teintures ne résistent pas à cette température à cette époque. La symbolique de la couleur sera dorénavant la pureté et la bonne santé, avec le blanc.

Le XXème siècle et la lente révolution féminine
Bonnes mœurs et décence de rigueur !

Les tenues des infirmières de la Première Guerre Mondiale demeuraient des robes longues blanches à manches longues ; les femmes devaient être couvertes de la tête aux pieds, les cheveux recouverts d’un voile blanc et long. On se distingue encore peu des religieuses si ce n’est grâce à un insigne brodé d’une croix et d’une coiffe blanche qui permettaient de reconnaître les infirmières laïques. Néanmoins, les manches se relèvent lorsque l’on est en action de soins sur les blessés car il faut pouvoir se laver les mains, régulièrement et ne pas transporter des germes d’un patient à l’autre. Le tablier est le seul accessoire vestimentaire changé presque tous les jours ; les autres vêtements sont portés plus d’une semaine. Les femmes de la haute société participent à l’élan de solidarité face à l’affluence des blessés et s’improvisent infirmières dans des tenues qu’elles se font confectionner par leur couturier dans des tissus précieux. Chacun son rang, mais les tenues sont portées avec fierté et l’engagement est fort.

Les prémices d’un vent de liberté

La tenue évolue non seulement avec les découvertes scientifiques et médicales mais aussi avec la mode féminine. Et la blouse raccourcit ! et les manches aussi. Après la seconde guerre mondiale, d’une manière générale, rares encore étaient les femmes portant des pantalons. C’est pourquoi les infirmières portaient toutes des blouses blanches par-dessus des jupes désormais un peu plus courtes, mais presque toujours accompagnées par le port de collants opaques. Les cheveux sont maintenant dévoilés et une petite coiffe orne leur coiffure. Le tablier reste de rigueur.

Les années soixante, nous voulons de la couleur !

Après la Seconde guerre mondiale, les textiles synthétiques font leur apparition. Plus confortables, ils permettent de réintroduire la couleur pour diversifier les tenues. Dans les années 60, un vent de liberté souffle même sur l’hôpital. Les soignants affirment leur personnalité par les accessoires et la coupe de cheveux. Mais un code couleur finit par s’imposer pour différencier les professionnels et les services. Le blanc : Pour les médecins et les infirmières. Le rose : Plutôt pour les sages-femmes et la petite enfance. Au bloc, les chirurgiens s’habillent en bleu ou en vert. Sous les lumières du bloc opératoire, les deux couleurs sont moins réfléchissantes. Elles sont aussi plus visibles sur les écrans vidéo. Accroché au revers de la blouse des soignants, le badge complète la carte identité. Il donne un nom mais aussi un statut ou une fonction : médecin, étudiant en médecine, personnel paramédical, technique ou administratif…

Dans les années 60, la blouse de l’infirmière s’inspire aussi des créateurs de Haute couture comme André Courrèges qui raccourcit les robes des femmes. Les manches plus courtes rendent plus simple le lavage de main et la réalisation des soins. Le pantalon fait son apparition à l’hôpital.

Les années soixante-dix, le style et le chic

Vers les années 70 apparaît un style moins strict, plus libéré et plus coloré, la coiffe est toujours présente mais pas obligatoire. Il en est de même pour les collants. C’est là que de nombreux stylistes et créateurs de mode sont appelés à la rescousse pour donner un aspect plus mode à la tenue des infirmières : Pierre Cardin crée une ligne très futuriste et simplifiée pour l’Hôpital Ambroise Paré à Boulogne Billancourt, mais celle-ci n’est pas retenue ! Il faut dire que les infirmières dans cette tenue auraient pu prendre une soucoupe volante pour explorer l’univers !

Les années 90, nous voulons de la liberté !

Les années 90 voient la généralisation de la tunique-pantalon qu’elle soit blanche en coton ou de couleurs pastels ou bien en non-tissé plus facile à changer. L’ère de l’usage unique affecte aussi les tenues des soignants. La profession se masculinise et on abandonne la coiffe qui donne un côté trop ancien à l’uniforme et qui devait surtout être inconfortable à porter.

Le passage à l’an 2000, nous voulons du fonctionnel !

Aujourd’hui, plus de coiffes, plus de robes, pour les infirmières ; seule une blouse souvent blanche ou verte/bleue suivant les services. Les talons sont bannis car mal pratiques et responsables de douleurs musculaires. Les crocs en caoutchouc sont devenues les chaussures de soignants par excellence, faciles à laver et désinfecter. La lutte contre les infections nosocomiales est une priorité c’est pourquoi la tunique-pantalon est changée tous les jours dans les services hospitaliers ; les manches courtes pour faciliter le lavage des mains fréquents comme l’utilisation des solutions hydro-alcooliques. Les blouses médicales existent aussi désormais en couleurs vives ou à motifs. Tout comme les vêtements de ville, ils sont adaptés aux différentes morphologies et sont fait de plusieurs matières aux propriétés différentes (tissu antitranspirant, 100% coton, matière extensible, ou adaptées aux peaux sensibles…).

Aujourd’hui, les couleurs peuvent varier d’un hôpital à l’autre. Mais un corpus de règles d’hygiène, d’ergonomie et de confort encadrent les pratiques.

La tenue de travail recommandée est composée d’une tunique, d’un pantalon et de chaussures silencieuses, antidérapantes et lavables. Pas trop de poches pour ne pas héberger les microbes… Des manches courtes pour se laver les mains facilement… En mélange polyester/coton ou en textile non-tissé pour faire barrière aux bactéries… Même si la tenue des soignants s’inspire parfois du prêt-à-porter, jusqu’à oser les contrastes de coupe et de coloris pour mettre les malades en confiance, la prévention des risques infectieux prime désormais sur les effets de mode.

Des recherches scientifiques récentes ont permis de concevoir un matériau composite à partir de nanoparticules de cuivre intégré à des tissus. Le cuivre ayant d’excellentes propriétés anti-bactériennes, il permettrait de lutter contre la propagation de germes sur les blouses qui sont portées pour soigner différents patients. Les tissus imprégnés de cuivre ont tué efficacement le staphylocoque doré et Escherichia Coli, deux des bactéries sources d’infections nosocomiales les plus communes à l’hôpital.

Les avancées technologiques et la recherche en design textile sont les nouveaux paramètres à prendre en compte aujourd’hui dans l’évolution de la tenue du personnel infirmier.

Les premières infirmières formées par Bourneville à Paris en 1878 n’en croiraient pas leurs yeux !

Auteur : Yva Savi-Doually, Responsable régionale GRIEPS

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