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Gestion des urgences en EHPAD : stratégies de formation et réponses adaptées

27 novembre 2024
Gestion des urgences en EHPAD : stratégies de formation et réponses adaptées

La gestion des urgences en EHPAD (Établissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes) constitue un défi quotidien pour les équipes soignantes. Ces établissements accueillent des résidents souvent fragiles, polypathologiques et dépendants, ce qui les expose à des risques accrus de situations critiques nécessitant des interventions immédiates. Face à ces enjeux, infirmiers et aides-soignants jouent un rôle essentiel pour garantir la sécurité et le bien-être des résidents, tout en assurant une prise en charge adaptée et coordonnée avec les autres professionnels de santé.

Les enjeux des urgences en EHPAD

Les urgences en EHPAD regroupent une variété de situations cliniques, telles que les chutes, les détresses respiratoires, les décompensations cardiaques, les AVC, les infections sévères et les troubles comportementaux aigus. Ces urgences sont particulièrement fréquentes en raison de l’âge avancé des résidents et de la présence de pathologies chroniques et évolutives. Les conséquences de ces situations peuvent être dramatiques, allant de la dégradation rapide de l’état de santé à l’hospitalisation d’urgence, voire au décès.

La prise en charge des urgences est d’autant plus complexe qu’elle se déroule dans un contexte institutionnel où les moyens techniques sont limités par rapport à un service hospitalier. Les soignants doivent donc faire preuve d’une grande réactivité et d’un niveau de compétences suffisamment développés pour évaluer rapidement la gravité de la situation, initier les premiers soins et décider de la nécessité d’un transfert en milieu hospitalier. Force est de constater que les équipes en institution ne sont pas assez formées pour faire face à ces situations d’urgence, comme en témoigne Christelle, aide-soignante de nuit dans un EHPAD de 89 résidents où elles ne sont que trois durant la nuit : « à part appeler le 15, je ne me sens pas du tout capable de gérer une urgence vitale, nous sommes que trois AS la nuit, pas d’infirmier, nous ne sommes pas formés ».

Les enjeux de cette formation sont multiples, touchant aussi bien la qualité des soins que la sécurité des résidents, la qualité de vie au travail des soignants et l’efficience globale du système médicosocial et sanitaire.

La formation continue permet entre autres de

Garantir la sécurité des résidents

Les résidents d’EHPAD, souvent âgés et fragiles, sont particulièrement exposés aux urgences médicales : chutes, détresses respiratoires, AVC ou encore états infectieux aigus. Ces situations nécessitent une intervention rapide et adaptée pour éviter des conséquences graves, voire fatales. Une formation ciblée permet aux soignants de reconnaître précocement les signes de détresse et de gravité et d’appliquer les gestes nécessaires dans les premières minutes, véritablement cruciales pour la survie de la personne accompagnée.

Limiter les transferts inappropriés vers les hôpitaux

Les hospitalisations non justifiées sont fréquentes en EHPAD et peuvent être particulièrement traumatisantes pour les personnes âgées, fragilisant leur état de santé général. Une formation adéquate permet aux soignants de mieux évaluer la nécessité d’un transfert et de stabiliser le résident lorsque cela est possible. Cette compétence réduit la pression sur les services hospitaliers, tout en évitant les effets délétères pour les résidents (désorientation, infections nosocomiales, etc.).

Renforcer la confiance des équipes soignantes

Les aides-soignants et les infirmiers en EHPAD sont souvent confrontés à un sentiment d’impuissance face à des situations critiques qu’ils n’ont pas été formés à gérer. Cette frustration peut engendrer du stress, une démotivation, voire un épuisement professionnel. La formation aux urgences leur donne des outils concrets et renforce leur sentiment de compétence, améliorant ainsi l’accès aux bonnes pratiques.

Adapter les soins aux spécificités gériatriques

Les urgences en gériatrie ont des particularités : les signes cliniques sont parfois atypiques (douleurs discrètes lors d’un infarctus, confusion en cas d’infection) et les traitements doivent tenir compte de la fragilité des résidents. Une formation spécialisée sensibilise les soignants à ces spécificités, leur permettant d’adopter une approche personnalisée et individualisée en fonction des besoins des personnes âgées.

Améliorer la coordination des soins

Les urgences en EHPAD impliquent souvent une coordination rapide entre plusieurs acteurs : équipes internes, SAMU, pompiers, médecins généralistes et familles. Une formation dédiée prépare les soignants à gérer ces interactions efficacement, à transmettre les informations médicales-clés et à établir des priorités. Cette coordination fluide est essentielle pour garantir des interventions cohérentes et adaptées.

Répondre aux exigences légales et éthiques

La prise en charge des résidents en urgence s’inscrit dans un cadre légal et éthique strict. Les soignants doivent respecter les directives anticipées, les volontés des familles et les protocoles médicaux. Une formation ciblée les prépare à gérer ces aspects sensibles, en conciliant rigueur professionnelle et respect des droits des résidents.

Optimiser les ressources humaines et financières

Enfin, former les soignants à gérer les urgences sur place peut contribuer à une meilleure allocation des ressources. Les EHPAD peuvent réduire les coûts liés aux hospitalisations évitables, tout en améliorant la qualité des soins prodigués. Cette optimisation profite à la fois aux établissements, au système de santé et, surtout, aux résidents.

Le rôle des infirmiers et aides-soignants : des acteurs de premier plan

Les infirmiers et aides-soignants en EHPAD sont souvent les premiers à intervenir en cas d’urgence. Leur rôle ne se limite pas à l’exécution de protocoles : ils doivent aussi faire preuve de discernement, d’initiative et d’un sens aigu des priorités pour adapter leurs interventions aux spécificités de chaque résident. La gestion des urgences requiert une bonne connaissance des particularités gériatriques, une capacité à travailler en équipe et une communication efficace avec les autres professionnels de santé. Leurs missions s’étendent également à l’accompagnement psychologique des résidents et de leurs familles dans ces moments critiques, en offrant un soutien rassurant et une information claire sur les soins prodigués. Ce sont ces compétences humaines et techniques qui font des soignants des acteurs indispensables de la prise en charge des urgences en EHPAD. Ces compétences, bien qu’essentielles, sont rarement développées dans les formations initiales. En formant les professionnels à la gestion des urgences et en les sensibilisant aux spécificités gériatriques (fragilité, polypathologies), on améliore leur capacité à agir en autonomie dans l’attente des secours. Cette autonomie renforce non seulement la sécurité des résidents, mais aussi la confiance des soignants en leur propre pratique.

De plus, une meilleure formation limite les transferts inutiles aux urgences hospitalières, souvent délétères pour les personnes âgées (temps d’attente prolongé, dépendance iatrogène[1]…). Elle favorise ainsi une gestion plus adaptée des ressources médicales. Dans un contexte de vieillissement démographique et de tension sur le système de santé, il devient impératif d’investir dans des formations continues et adaptées, alliant théorie et pratique sur le terrain.

Les étapes-clés de la formation de gestion des urgences en EHPAD

La formation continue permettra d’aborder les étapes essentielles et impératives à la gestion des urgences en EHPAD, elle devra aborder :

L’évaluation rapide de la situation

La première étape est l’évaluation rapide de l’état du résident. L’infirmier doit procéder à un examen clinique succinct mais précis pour déterminer les signes de gravité : état de conscience, fréquence respiratoire, tension artérielle, pouls, douleur, etc. Pour les aides-soignants, l’observation attentive des symptômes et la transmission rapide de ces informations à l’infirmier sont prépondérantes à une réponse rapide et adaptée.

Les premiers secours et gestes d’urgence

Selon la nature de l’urgence, il peut être nécessaire d’effectuer des gestes de premiers secours, tels que la mise en position latérale de sécurité, l’administration d’oxygène, ou des manœuvres de Réanimation Cardio-Pulmonaire (RCP). Les soignants doivent aussi savoir gérer les douleurs aiguës, les états de choc ou les saignements sévères.

La coordination avec les services d’urgence

En cas de situation critique, l’appel aux services d’urgence (SAMU, pompiers) doit être fait sans délai. Une communication claire et concise des informations (antécédents médicaux, traitements en cours, état actuel, fiche de liaison d’urgence) favorisera une prise en charge rapide dès l’arrivée au service d’urgence.

La documentation et la communication

Après l’intervention, il est indispensable de documenter l’incident de manière détaillée dans le dossier de soins du résident et le Dossier de Liaison d’Urgence (DLU)[2]. Cette étape permet de garantir une traçabilité des événements et d’orienter les soins futurs. La communication avec le médecin coordonnateur, les familles et l’équipe soignante est également une étape-clé pour assurer une prise en charge continue et coordonnée.

Les principes de prévention des urgences en EHPAD : un pilier de la qualité des soins

La prévention des urgences constitue un axe important pour garantir la sécurité des résidents et limiter les complications graves. Anticiper les situations critiques permet non seulement de préserver la santé des résidents, mais aussi de réduire la pression sur les équipes soignantes et les services d’urgence hospitaliers. Voici les principaux axes de prévention.

Évaluation initiale et continue des résidents

Une prévention efficace commence par une évaluation approfondie dès l’entrée en EHPAD. Celle-ci doit inclure un bilan de santé global dit Evaluation Gériatrique Standardisée (EGS) réalisé par le médecin-coordinateur [3]et son équipe, l’identification des pathologies chroniques, des facteurs de risque (chutes, malnutrition, dépression, iatrogénie médicamenteuse), cette évaluation permet de mettre en exergue les risques potentiels de déclin et ainsi pouvoir établir un projet de soin idoine pour chaque résident impliquant la participation des médecins traitants. Cette évaluation doit être mise à jour régulièrement, notamment en cas de changements de l’état de santé.

Surveillance quotidienne et identification précoce des signaux d’alerte

La vigilance des équipes soignantes joue un rôle pivot, l’observation attentive des signes cliniques, même discrets, comme une fièvre modérée, une confusion inhabituelle ou une diminution de l’appétit, peut permettre de détecter une aggravation avant qu’elle ne devienne irréversible. Les aides-soignants, souvent en contact direct avec les résidents, doivent être formés pour repérer et signaler ces signes cliniques potentiellement annonciateurs d’une situation plus critique.

Prévention des chutes

Les chutes sont une cause fréquente d’urgences en EHPAD, elles sont également la première cause de mortalité traumatique chez les plus de 65 ans en France. Pour les prévenir, il est essentiel de mettre en place des évaluations régulières de la mobilité (bilan kinésithérapeutique), des exercices d’entretien physique adaptés et des aménagements sécurisants permettant d’évoluer sans risque et surtout en réduisant le recours à la contention physique.

Gestion des traitements médicamenteux

La polymédication est courante chez les personnes âgées et augmente le risque d’effets secondaires, d’interactions, d’erreurs et d’hospitalisation. En effet, la iatrogénie médicamenteuse représente, à elle seule, 20 % des hospitalisations en urgence des plus de 75 ans et 25 % des admissions des plus de 85 ans. Une majorité (50 à 70 %) des événements indésirables résultant d’une prise en charge inappropriée sont considérés comme évitables [4]. Un suivi rigoureux des prescriptions, associé à une révision régulière par le médecin traitant ou le pharmacien, est indispensable. Les soignants doivent également surveiller l’observance des traitements et l’apparition de symptômes liés à des effets indésirables : obligation de pharmacovigilance[5] (tout autre professionnel de santé autre que le médecin et le pharmacien ayant observé un effet indésirable susceptible d’être dû à un médicament peut en faire la déclaration auprès du centre régional de pharmacovigilance dont il dépend).

Promotion de l’hygiène et de la prévention des infections

Les infections respiratoires et urinaires sont courantes en EHPAD et peuvent rapidement se compliquer. La mise en place de protocoles stricts d’hygiène (lavage des mains, désinfection des surfaces) et la formation des soignants et des résidents aux bonnes pratiques limitent la propagation des germes. Les campagnes de vaccination, notamment contre la grippe et la COVID-19, renforcent cette prévention.

Nutrition et hydratation adaptées

La dénutrition protéino-énergétique et la déshydratation augmentent considérablement le risque de déclin, effectivement la dénutrition implique une immunodépression en lymphocytes B et T augmentant le risque d’infections, de retard de cicatrisation et de défaillance des grandes fonctions vitales. Une attention particulière doit être portée à l’équilibre nutritionnel des repas, à l’adaptation des textures pour les résidents ayant des troubles de la déglutition et à l’état d’hydratation des résidents.

Approche globale, holistique et personnalisée

La prévention en EHPAD doit s’inscrire dans une approche globale, prenant en compte l’état de santé physique, psychologique et social des résidents. Chaque résident doit bénéficier d’un plan de prévention individualisé, réévalué régulièrement en fonction de l’évolution de son état. Cette prévention doit s’inscrire dans les fondements de l’établissement en étant un axe prioritaire dans le projet d’établissement.

En intégrant ces principes, les EHPAD peuvent réduire la fréquence des urgences, améliorer la qualité de vie des résidents et optimiser le travail des équipes soignantes. La prévention devient ainsi un axe stratégique au cœur des pratiques de soins et dans le référentiel d’évaluation de la qualité des établissements et services sociaux et médicosociaux[6].

Conclusion

La gestion des urgences en EHPAD est un enjeu important qui doit mobiliser les compétences des infirmiers et aides-soignants au quotidien. Face à des résidents souvent fragiles et vulnérables, leur réactivité, leur savoir-être, leur savoir-faire et leur capacité à évaluer rapidement les situations sont des atouts essentiels pour prévenir les complications et assurer une prise en charge efficace. La formation continue, la prévention et la coordination des soins sont des éléments charniers pour optimiser la gestion des urgences et améliorer la qualité de vie des résidents. En agissant avec rigueur, en aiguisant leurs compétences, les soignants contribuent à sécuriser le parcours de soins des personnes âgées et à répondre aux impératifs de cet environnement complexe et exigeant qu’est l’EHPAD.

 

[1] Dépendance iatrogène : est définie par une perte fonctionnelle aux activités de base de la vie quotidienne entre l’entrée et la sortie d’hospitalisation. HAS, 2017
[2] Dossier de liaison d’urgence (DLU). HAS, 2015
[3] Décret n° 2019-714 du 5 juillet 2019 portant réforme du métier de médecin coordonnateur en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes
[4] Comment améliorer la qualité et la sécurité des prescriptions de médicaments chez la personne âgée ? HAS, 2014
[5] La déclaration des effets indésirables, sante.gouv.fr
[6] Référentiel d’évaluation de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux : Accompagnement à la santé :1.14- La personne bénéficie d’un accompagnement en matière de prévention et d’éducation à la santé.
Auteur : Khadra BENCHARIF, responsable du domaine personnes âgées au GRIEPS, médecin gériatre
Personne âgée aux urgences

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