Hommage à Cécile Boisvert, pionnière en Sciences Infirmières en France
Cécile Boisvert nous a quittés le 07 septembre 2023.
Cette disparition est celle d’une femme libre, cultivée, engagée dans les sciences infirmières. Elle affirmait que le raisonnement clinique, le diagnostic infirmier, les interventions et les indicateurs de résultats, sont les éléments déterminants de la prise en charge d’un patient et par déduction de la qualité dans son dossier. Le diagnostic clinique et thérapeutique était le crédo de Cécile. Renforcer les compétences infirmières par une méthode rigoureuse, des connaissances scientifiques, ont permis aux infirmières francophones d’affirmer leur rôle propre : identification des problèmes réels ou potentiels, dépistage et gestion des complications inhérentes à la situation du patient, mise en œuvre des interventions de soins et évaluation des résultats de santé du patient.
De son parcours professionnel riche, nous retiendrons trois phases.
- Titulaire du baccalauréat en nursing (1968), elle va développer le rôle de clinicienne spécialisée (Maîtrise en sciences infirmières, Université de Washington puis certificat en soins infirmiers oncologiques à New York en 1989).
- En 1977, Cécile quitte le Canada. Peu après son arrivée en France, elle contacte Janine Lacaze fondatrice du GRIEPS où elle est engagée comme animatrice pédagogique. Son enseignement porte sur la démarche de soins, les modèles conceptuels, les soins cardio-vasculaires et l’évaluation de la qualité des soins[1].
- Conjointement avec le GRIEPS, l’Institut Gustave Roussy et l’Association française des infirmières en cancérologie, elle fera aboutir un cycle de formation approfondi en soins infirmiers oncologiques permettant de développer le rôle clinique auprès des malades[2].
Cécile fût un « facteur d’influence ». Avec un accent identifiable entre tous, son regard vif et son dynamisme inversement proportionnel à sa taille, elle aimait à dire « Le diagnostic infirmier que je préfère est centré sur la santé, il s’agit de la recherche d’un meilleur niveau de santé ». Membre actif de la NANDA-I (North American Nursing Diagnosis Association- International), dès 1983, elle présentait les diagnostics infirmiers comme un moyen d’identification et d’approfondissement des sciences infirmières[3].
Pour illustrer sa pensée toujours vivante, nous reprenons de la préface qu’elle a rédigée en 2000 dans l’ouvrage Les transmissions ciblées un choix stratégique au service de la qualité des soins[4] , quelques éléments saillants.
« La non-pertinence et le manque de détails des transmissions écrites ont motivé certaines équipes d’infirmières à adopter le modèle de dossier centré sur les problèmes. Conservant l’approche cognitivo-rationnelle, S. Lampe et un groupe d’infirmières de Minneapolis ont fait le pari d’élaborer une méthode basée sur le processus de soins qui soit à la fois efficace et efficiente. Ce fut la création du dossier ciblé.
Depuis toujours et en tout lieu, les infirmières ont relégué l’écrit au second plan car elles ont l’impression de voler du temps au malade lorsqu’elles consignent au dossier le fruit de leurs observations ou le résultat de leurs actions.
C’est peut-être la raison pour laquelle les infirmières françaises ont été séduites par le dossier ciblé ; les diagrammes permettent de noter rapidement les observations et les actions répétitives et les cibles facilitent la lecture des informations décrivant l’évolution de la personne soignée. Cependant il est illusoire de changer le système de transmissions sans avoir d’abord travaillé sur le raisonnement clinique et thérapeutique.
L’identification des problèmes ou cibles ne procède pas seulement de l’enrichissement du vocabulaire mais avant tout d’une collecte de données pertinentes, de l’approfondissement des concepts diagnostiques et du développement de la pensée critique et de l’expertise clinique.
Le dossier n’est pas une fin mais un moyen et, faute d’en avoir tenu compte, certaines institutions ont retrouvé des informations squelettiques et caricaturales dans les dossiers des patients. »
Sur ces fondements, Florence Dancausse, Élisabeth Chaumat, Françoise Duquesne, Marie-Claude Leng, Annie Pascal et bien d’autres professionnels, ont déployé une stratégie auprès des institutions pour qu’elles inscrivent le dossier patient dans le projet d’établissement. Ce dossier, centré sur le patient, permet d’évaluer les résultats des soins dispensés par les membres de l’équipe pluridisciplinaire.
Cécile a également initié avec d’autres professionnels la configuration du parcours du patient à partir des résultats escomptés pour donner naissance au chemin clinique, concept innovant de la prise en charge interdisciplinaire du patient.
Elle a transmis aux soignants qu’exercer le métier d’infirmière/d’infirmiers, c’est s’engager dans une démarche scientifique qui apporte des « résultats positifs » au patient, à ses pairs et à la communauté des soins.
Puisse cette pensée éclairée et toujours d’actualité continuer de rayonner pour le bien des usagers de la santé, des professionnels de santé et plus largement de la communauté humaine.