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La RSE est donc morte avant d’avoir vécu ? Décryptage

9 mars 2020
La RSE est donc morte avant d’avoir vécu ? Décryptage

Un constat accablant

Une prise de conscience s’est progressivement installée quant à l’état déplorable dans lequel les activités humaines plongeaient la planète.

En même temps que des catastrophes écologiques nous frappaient (qui reste indifférent en entendant AMOCO CADIZ), des sommets onusiens martelaient une nécessaire prise de conscience. C’est alors l’ère des grandes manifestations, parfois violentes, toujours spectaculaires.

Une farouche opposition aux activités de stockage des déchets nucléaires (La Hague), naissance de Greenpeace…

Bien que les intentions soient nobles, ces manifestations, même si elles ont éveillé certaines consciences, ont en partie participé à nourrir une méfiance, voire une défiance quand à tout ce qui s’appelait « écologie ».

Naissent alors d’inévitables raccourcis : le Développement Durable est réduit à sa dimension environnementale, et la défense de l’environnement c’est l’affaire de quelques écologistes extrémistes. Le commun des mortels ne s’y retrouve pas dans ce combat.   

Toutefois, la nécessité est là, il faut protéger l’environnement. Les démarches se multiplient et se structurent notamment dans les années 90 avec la norme ISO 14001 par exemple (1996) dont l’objectif est de maîtriser ses impacts sur l’environnement. De nouveaux métiers apparaissent comme référent QSE (Qualité Sécurité Environnement)… Bref, un pas est fait.

Cependant, rapidement il devient évident que l’environnement c’est l’arbre qui cache la forêt (sans jeu de mot). En effet, à quoi sert-il de viser un environnement plus sain, si une toute petite minorité seulement peut en bénéficier. Et ce n’est pas qu’une question de justice sociale. L’actualité va se charger de démontrer qu’une démarche en faveur de l’environnement seulement, est contre-productive. Les questions sociétales émergent avec une force renouvelée.

Par exemple un paysan à l’autre bout du monde (pour nous les occidentaux) mettra en péril la qualité de l’air que nous respirons, si poussé par la faim et le désespoir il déforeste des kilomètres carrés de forêt amazonienne (le poumon de la terre) pour survivre. Et rien, ni même le risque de « se faire abattre comme un chien », ne l’arrêtera.  

Il devient donc évident que questions environnementales et questions sociétales sont intimement liées.

Vers une démarche sociétalement responsable   

Une démarche structurée en faveur des défis sociétaux voit le jour à l’aube des années 2000. On en trouve une belle illustration dans l’adoption par l’ONU des 17 Objectifs mondiaux de Développement Durable (ODD).

Les défis sont clairement énoncés : Des droits humains (santé, éducation, emplois décents…), la sauvegarde de l’environnement (biodiversité, espèces animales, ressources vitales, le climat…) le fonctionnement de la société (justice, infrastructures…).

Puis il devient clair que tous les collectifs (et pas seulement les états) doivent s’atteler à l’atteinte de ces objectifs mondiaux, un grand pas est fait. C’est alors que la Norme 26000 vient définir et encadrer la mise en œuvre d’une démarche sociétalement responsable au niveau d’une organisation.

Pour le dire en une seule phrase, la RSE/RSO, c’est la contribution d’une organisation à l’atteinte des ODD.

Cette démarche, volontaire, se veut holistique, transversale, impliquant un mode de gouvernance éclairé, reposant sur 7 valeurs fondamentales : une démarche ambitieuse et généreuse, trop généreuse ?

Le constat est là : la RSE on en parle partout, mais les entreprises qui ont vraiment adopté la gouvernance RSE sont encore bien trop rares. Pourquoi ?   

Il est possible de citer quelques freins :

  • La mise en œuvre est particulièrement  délicate. Elle suppose notamment l’identification de ses Parties Prenantes (PP) et un dialogue avec celles-ci. Rappelons qu’une PP est un individu ou groupe d’individus susceptibles d’être impactés (de façon positive ou négative) par nos activités.
  • Facile à dire sur le papier mais en pratique on commence où et surtout on s’arrête où ? Le voisin, le petit épicier du coin mais aussi la multinationale, tous peuvent être impactés !  
  • De façon concrète, à qui revient cette délicate mise en œuvre ? Une démarche qui se superpose à la démarche qualité ? Qui vient en complément de celle-ci ? Qui revient de droit à la direction générale puisque la RSE c’est avant tout un modèle de management ? En plus de devoir gérer les injonctions paradoxales que génère ce modèle du fait d’un environnement non mature sur les questions sociétales, la direction générale doit lourdement investir dans une démarche, qui, rappelons-le, est volontaire et non directement rémunératrice.  

Alors, il faut la « foi » ! Oui mais les « purs » sont attendus au virage –la moindre incohérence et ils sont taxés de « grennwasching ». Et le « ciel » ne répond pas beaucoup –quelle aide concrète et trébuchante proposent les gouvernements ? Un beau chemin de croix !

Alors c’est vrai, on enterre la RSE ? Bien sûr que non !

Vers une évolution plus pragmatique de la RSE

Comme le montre cette brève rétrospective, la problématique est complexe (Au sens étymologique du terme, « complexus » c’est-à-dire ce qui est tissé, enchevêtré, qui ne forme qu’un tout, qui n’est pas décomposable en parties plus simples). De ce fait les solutions proposées sont en constante évolution. Cette évolution de l’approche vis-à-vis des enjeux sociétaux peut se caractériser ainsi :

  • La société civile est en forte demande d’un engagement de la part des entreprises en faveur de la protection environnementale et de l’amélioration de la société.
  • Le collectif d’une entreprise/organisation est potentiellement un puissant levier d’action.
  • Une entreprise a de plus en plus besoin d’affirmer son identité pour signifier sa singularité et sa différence.

Or, une démarche RSE aboutie, conduit  à :

  • Une gouvernance responsable entrainant une cohérence interne,
  • Une réduction de ses impacts négatifs sur l’environnement ou la société, 
  • Une sublimation de ses impacts positifs par sa matrice de matérialité (c’est-à-dire une sélection d’enjeux sociétaux et des PP correspondantes, sur lesquels l’entreprise s’engage).  

La loi PACTE propose un modèle –L’entreprise à mission qui répond à la problématique évoquée ci-dessus. 

Pour rappel, l’entreprise à mission se définit à travers 5 critères :

  1. L’engagement à produire un impact sociétal,
  2. La formalisation d’une mission spécifique,
  3. La cohérence du modèle économique avec la mission,
  4. Un engagement à partager équitablement la valeur créée,
  5. L’évaluation de la mission.

Pour exemple, prenons le Label LUCIE MISSION : il permet à une entreprise de devenir une entreprise à mission en mettant en cohérence sa mission sociétale et sa maturité RSE.

Et le GRIEPS ?

Bien sûr, le Grieps s’est emparé de cet enjeu. Il souhaite faire sa part en « bon colibri  »[1] qu’il est… La question qui se pose est : « On commence par quoi ? ».

Culturellement, les valeurs portées par notre organisme de formation se rejoignent  bien avec les valeurs de la RSE. Le statut de notre société, une SCOP, en témoigne.

Structurellement parlant, nous avons constitué une commission RSE et désigné un pilote. Cette commission s’est réunie assez régulièrement.

Techniquement un premier diagnostic met en évidence une carence en termes de projection et de planification. Cela nous conduit inévitablement à statuer sur la place que nous voulons réserver à notre démarche RSE : La dimension stratégique doit être définie.

En conclusion

L’entreprise à mission est une réponse logique et pragmatique aux défis d’aujourd’hui et de demain en continuité avec la démarche RSE, et ceci pour plusieurs raisons :

Tout comme la RSE, le concept d’entreprise à mission met entre les mains des mêmes acteurs, le pouvoir de changer les choses. Trop longtemps cantonnée aux seuls pouvoirs étatiques, la « part du colibri » revient largement aux collectifs institutionnels que sont les entreprises.

L’entreprise à mission suppose un modèle de management semblable à celui nécessaire pour conduire une démarche RSE. Toutefois ce modèle est beaucoup moins tentaculaire et donc plus lisible. L’entreprise peut se concentrer sur sa mission sociétale ou environnementale, donc s’engager et communiquer sur celle-ci.

Cerise sur le gâteau, il sera beaucoup plus difficile de taxer une entreprise à mission de « greenwasching » car ce n’est plus le problème ! Même si une entreprise à mission doit rechercher une certaine cohérence interne par le biais des 5 critères qui la caractérise, son engagement porte sur la mission sociétale qu’elle affiche et non sur le fait d’être irréprochable en tout point avec chacune de ses PP.

Alors morte la RSE ? Au contraire elle nous sert sur un plateau d’argent, comme une évidence, l’entreprise à mission.

 
[1] Une légende amérindienne, racontée par Pierre Rabhi, Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : "Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! 
Et le colibri lui répondit : "Je le sais, mais je fais ma part."

Auteur : Rodolphe LELOUP, Formateur-Consultant, pilote du groupe RSE au GRIEPS

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