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Les interventions au domicile en psychiatrie (VAD et HAD)

28 mai 2020
Les interventions au domicile en psychiatrie (VAD et HAD)

L’évolution du soin en psychiatrie

En psychiatrie aujourd’hui, plus de 70% des personnes souffrant de troubles psychiques bénéficient de soins dispensés en ambulatoire, soit près de deux millions de personnes. La DRESS estime que le taux de recours pour ce type d’accompagnement est de 3 020 patients pour 100 000 habitants, cinq fois plus qu’en hospitalisation. Au cours des trente dernières années, les lits de psychiatrie générale ont été diminués de plus de 50% pour favoriser une humanisation des conditions d’accueil et orienter la politique de santé mentale vers un accroissement des prises en soin dans la cité. Cette orientation prend tout son sens dans le contexte actuel d’appui à la réhabilitation psychosociale visant à l’intégration dans la communauté et à la réaffirmation de la citoyenneté pleine et entière des personnes présentant des troubles psychiques.

La politique de secteur, instituée en 1960, se fonde sur la volonté de sortir du modèle asilaire et de redonner au sujet souffrant la place qui lui est due en tant que citoyen. Pour ce faire, elle valorise la proximité et la continuité des soins, la collaboration médicosociale, des soins dans la cité diversifiés et adaptés aux besoins des personnes et ce, dans une perspective globale, bio-psycho-sociale. Dans ce cadre, elle promeut le développement des solutions alternatives à l’hospitalisation, notamment les soins ambulatoires et les interventions au domicile, les VAD, l’idée étant « de séparer le moins possible le malade de sa famille et de son milieu »[1].

Aujourd’hui, les suivis proposés dans le dispositif sectorisé sont de plus en plus diversifiés, notamment en ambulatoire et se coordonnent avec les services médicaux, sociaux, médicosociaux, éducatifs. Le fait de réduire la place de l’hospitalisation complète et d’accroître les soins de ce type fait l’objet d’un consensus quasi général. Le domicile est le principal lieu de vie des personnes souffrant de troubles psychiques. Dès lors, le développement des interventions au domicile apparaît comme nécessaire à l’optimisation des accompagnements. Dans une dynamique soignante évidente, Jacques Hochmann attribue trois fonctions aux interventions au domicile en psychiatrie : « Une fonction de reconstruction du patient, une fonction d’appui pour ses proches, une fonction de médiation entre le patient et ses objets »[2]

Deux modalités d’intervention au domicile en psychiatrie

En psychiatrie, les deux formes d’intervention au domicile en psychiatrie sont les visites à domicile (VAD) et les hospitalisations à domicile (HAD). Les visées de la VAD sont multiples et dépendent des patients, de leur pathologie et de l’orientation thérapeutique recherchée. Elle n’est pas réservée à une catégorie diagnostique. Ce sont les composantes du fonctionnement et les conséquences des troubles de la personne qui vont décider de sa mise en place. Sur prescription médicale, les VAD ont plusieurs objectifs principaux : l’évaluation, la prévention, la dispensation de soins, y compris la gestion des crises, mais aussi l’accompagnement à la réhabilitation, la coordination et la collaboration avec les partenaires associés dans la mise en œuvre du projet de vie. La visite à domicile est un acte à visée thérapeutique, qui a très nettement évolué depuis les années 1970 et revêt aujourd’hui différentes formes selon le projet thérapeutique du patient. Du suivi de patients psychotiques stabilisés demandeurs de soins aux accompagnements dans le cadre d’injonctions thérapeutiques de soins, notamment dans le cas  d’hospitalisations sous contrainte (les programmes de soins), la diversité est telle qu’il est impossible aujourd’hui d’imaginer la mise en place de visite à domicile sans prendre en compte l’individualisation de ce type de soin et son caractère parfois intrusif.

L’hospitalisation au domicile (HAD) est une pratique relativement ancienne en psychiatrie, elle s’est concrétisée dans le cadre de la sectorisation à la fin des années 60. À Villeurbanne : l’Association Santé Mentale et Communautés (SMC) a été fondée le 16 avril 1968 par les Professeurs Jean Guyotat et Jacques Hochmann[3] pour « Soigner dans leur milieu de vie habituel, les personnes souffrant de troubles psychiques, promouvoir des alternatives à l’hospitalisation psychiatrique évitant aux malades l’exclusion sociale et/ou tendant à faciliter leur réinsertion sociale ». À cette époque, plusieurs autres services de psychiatrie ont développé l’hospitalisation à domicile[4], notamment celui du Dr Amado au CH des Murets à la Queue en Brie, ou encore celui du Dr Damon à Libourne en 1974 puis au CH Charles Perrens à Bordeaux en 1985. Cependant, l’imprécision des textes encadrant la pratique dans cette spécialité n’a pas permis un accroissement conséquent. Aujourd’hui, le mouvement reste modeste, son déploiement est relativement localisé et hétérogène en fonction des régions mais de plus en plus de structures souhaitent développer ce type de service.

Pour la psychiatrie, la circulaire du 4 février 2004 précise les objectifs de l’HAD : « Les objectifs d’une prise en charge en HAD en psychiatrie sont : La délivrance, à domicile, de soins individualisés, coordonnés et d’une particulière intensité ; Le maintien ou le développement de l’autonomie du patient ; Son insertion ou sa réinsertion sociale en prenant en compte son environnement social ou familial ; En psychiatrie infanto-juvénile, elle peut permettre d’éviter la déscolarisation de l’enfant ; Des objectifs plus spécifiques peuvent être poursuivis, par exemple pour la prise en charge des personnes âgées ou des troubles de la relation mère-enfant ainsi qu’en matière de prise en charge des conduites addictives, de l’urgence et de la crise à domicile ou de prévention de la maltraitance. ».

La prise en soins en HAD se fonde sur la formalisation d’un projet thérapeutique individuel avec chaque patient. Celui-ci inclut les dimensions somatiques, psychologiques et sociales de l’accompagnement. Elle ne prend donc de sens que si les intervenants sont convaincus de l’importance du contexte environnemental sur l’évolution des troubles du patient.

Intérêts des interventions à domicile et compétences requises

Les interventions au domicile ont de nombreux avantages par rapport aux admissions en structure. Elles peuvent éviter ou raccourcir les hospitalisations, réduisant ainsi les traumatismes liés. Elles sont plus favorables à l’instauration d’une alliance thérapeutique avec les personnes mais aussi avec leur entourage. Elles s’inscrivent dans une dynamique de réhabilitation psychosociale, notamment en renforçant les partenariats pour éviter ou réduire les ruptures, pour consolider l’insertion sociale, tout en valorisant l’autonomie et la capacité d’agir, « l’empowerment ». Elles peuvent aussi être une alternative pour les personnes qui refusent les hospitalisations. Pour les enfants et les plus jeunes, outre les éléments précédents, elles permettent d’éviter la déscolarisation ou l’arrêt des études. Pour les personnes âgées, elles préservent d’un « déracinement » souvent préjudiciable à la stabilisation de l’état général. Enfin, elles autorisent les professionnels à « aller vers » les personnes qui, généralement, ne sollicitent pas les services « classiques ».

La multiplicité des rôles des professionnels de la psychiatrie dans le cadre des interventions au domicile fait qu’ils doivent posséder de nombreuses compétences : une connaissance approfondie en psychopathologie et en analyse clinique, une bonne maîtrise des techniques d’entretien (individuel ou familial), des savoirs en pharmacologie, des capacités en psychoéducation et bien entendu, des qualités relationnelles indéniables pour établir une alliance thérapeutique avec la personne et son entourage mais aussi pour développer les liens avec les partenaires. Ils doivent également connaître le dispositif global, les réseaux mobilisables et les acteurs qui participent à l’accompagnement. Plus encore, la spécificité de ce type d’intervention implique le développement de capacités d’écoute et de compréhension, d’observation et d’adaptation, de discernement, elle exige aussi de l’autonomie, de la fiabilité, de la disponibilité, de la discrétion et des capacités réflexives, notamment au regard du vécu intrusif que peuvent induire les visites dans le « chez soi ».

Dans ce sens, pour favoriser l’acquisition de ces compétences et développer les aptitudes nécessaires pour intervenir au domicile, le GRIEPS propose plusieurs formations sur ce thème : VAD en psychiatrie, HAD en psychiatrie, Case Management.

 
[1] Deuxième paragraphe du chapitre 1er de la circulaire du 15 mars 1960.
[2] Jacques Hochmann, La Consolation, O. Jacob, 1994
[3] Jacques Hochmann relate cette création dans son ouvrage La Consolation, o. Jacob, 1994
[4] La plus ancienne HAD existant encore à ce jour se trouve dans le Val de Marne (Centre hospitalier Les Murets à la Queue-en-Brie) et a été ouverte en 1971 à l’initiative du  Dr Amado.
Auteur : Michel COMBRET – Formateur consultant en psychiatrie

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