Premiers Secours en Santé Mentale (PSSM)
Tous ces questionnements marquent l’impuissance car le trouble psychique inquiète, voire terrifie. Les représentations sociales et individuelles se fondent sur la peur : la peur du fou, sa dangerosité, son inconstance…mais également l’inquiétude de ne pas savoir soulager des symptômes hors des normes et variant d’une personne à l’autre selon le contexte, l’histoire de vie, la culture, la société.
Les problématiques psychiatriques ont jalonné toutes les époques de notre histoire. Pendant longtemps, les personnes souffrant de troubles mentaux étaient purement et simplement exclues de la société devenant ainsi objet de soins, sans droits car « on protégeait la société des fous ».
D’ailleurs, Michel FOUCAULT[1] dans son ouvrage : « Histoire de la folie », montre que la psychiatrie européenne n’a rien d’universel, qu’elle est un construit social et historique basé sur l’exclusion. Il y explique comment la société a traité les fous depuis le Moyen Âge et raconte que le fou n’a pas toujours été ce marginal qu’on enferme.
Patrick COUPECHOUX[2] développait les liens entre société et folie en ces termes : « Ce qui m’intéressait, au fond, c’était le rapport entre la folie et le fonctionnement social (…) »
L’un des acteurs du courant désaliéniste après la guerre, Lucien BONNAFE,[3] affirme l’idée selon laquelle : « On juge du degré de civilisation d’une société à la manière dont elle traite ses fous. »
Ainsi, il est sans conteste que « Les pathologies psychiatriques constituent un enjeu majeur en termes de santé publique, et leur importance est souvent méconnue. D’après l’Inserm, la schizophrénie concerne près de 600 000 personnes en France (Inserm 2015) et près d’un français sur 5 est confronté au cours de sa vie à un épisode dépressif (Inserm 2015). Les données d’activité hospitalière montrent par ailleurs qu’en 2014, près de 400000 personnes ont été hospitalisées à temps plein en psychiatrie et près d’un million et demi ont bénéficié d’un accueil ou de soins en Centre médico-psychologique (CMP) »[4].
Olivier VERAN, Ministre de la Santé et des Solidarités, au Congrès de l’Encéphale dans son discours du 27 janvier 2022 précise : « La prévention de la souffrance psychique quant à elle, passe notamment par la solidarité. Le développement du programme des Premiers Secours en Santé Mentale y contribue et je tiens beaucoup au développement de ce dispositif qui a fait ses preuves à l’étranger et qui est également un très beau vecteur de sensibilisation. Le déploiement de ce programme initié dans les universités se poursuit avec la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique VIDAL et des modules de formation complémentaires sont en cours de déploiement pour les adolescents ou les personnes âgées. Parallèlement, la diffusion de ce programme va se poursuivre auprès des agents des 3 fonctions publiques, via une circulaire interministérielle. Son extension vers d’autres secteurs est encouragée, par exemple dans le cadre du plan de prévention du mal-être des agriculteurs (…) »
Depuis 1990[5], la psychiatrie a glissé vers le champ de la santé mentale avec ce passage de l’exclusion vers l’inclusion dans la société. La sémantique des lieux de soins évolue également : Asile devient Centre Psychothérapeutique Départementale (CPD) puis Centre Hospitalier Spécialisé (CHS) et aujourd’hui Établissement Public de Santé Mentale (EPSM) . Parallèlement, le législateur avalise ces bouleversements en redonnant une place entière dans la société aux personnes souffrant de troubles psychiques [6] [7].
Cette évolution se poursuit avec la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011[8] qui modifie en profondeur les conditions de prise en charge de ces personnes. Le soin n’est plus exclusivement délivré à l’hôpital. Le pouvoir d’agir sur sa vie replace la personne en tant que citoyen, y compris pour les majeurs protégés[9].
Dans cette perspective, le concept de réhabilitation psychosociale, porté notamment par le Dr Denis LEGUAY psychiatre, Alain COCHET psychologue chercheur et le Dr Bertrand LIEVRE psychiatre, introduit la notion de rétablissement à partir de la partie préservée de la personne atteinte de troubles psychiques.
Les cinq principes clés du rétablissement recensés par le Dr Samantha COPELAND (1997) sont :
- L’espoir : la personne qui connaît des difficultés de santé mentale se rétablit autant que possible, atteint un état de rétablissement stable et entreprend alors de réaliser ses rêves et ses objectifs.
- La responsabilité personnelle : il incombe à chacun, avec l’aide des autres, d’agir et de faire ce qu’il faut pour continuer à aller bien.
- L’éducation : il s’agit d’apprendre tout ce que l’on peut sur ce que l’on éprouve afin de pouvoir prendre les bonnes décisions concernant tous les aspects de la vie.
- Le plaidoyer pour soi-même : il s’agit de savoir communiquer avec les autres de façon efficace afin d’obtenir ce dont on a besoin, ce qu’on veut et ce qu’on mérite pour continuer à aller bien et à se rétablir.
- Le soutien : en travaillant sur son propre rétablissement, savoir accepter le soutien d’autrui et savoir aider à se sentir mieux et améliorer sa qualité de vie.
Après ce bref historique sur l’évolution de la prise en soin de la maladie mentale, la dimension de santé publique est à considérer. En effet, les 8 composantes des soins de santé primaire dont la participation communautaire, mettent en exergue le fait que la santé mentale concerne tout le monde dans la société.
Le Code du travail prévoit, a minima, la présence d’un secouriste dans chaque atelier où sont effectués des travaux dangereux et dans certains chantiers du BTP, sans imposer spécifiquement la nature de la formation qu’ils doivent recevoir (art. R. 4224-15 du code du travail).
Dans les établissements de santé, la formation aux gestes et soins d’urgence est une formation aux premiers secours délivrée en France aux personnels travaillant dans les établissements sanitaires et médicaux-sociaux. Ils donnent lieu à la délivrance d’une attestation de formation.
Quid de la santé mentale ? Le Programme de Soin en Santé Mentale (PSSM) est créé en Australie en 2001 par une éducatrice ayant souffert de troubles psychiques sévères et un professeur de médecine avec pour nom le « Mental Health First Aid (MHFA) »… 540 000 personnes ont été formées en 15 ans. Il est mis en œuvre à ce jour dans plus de 20 pays, dont le Japon, le Canada, le Royaume-Uni, l’Irlande, le Danemark, les Pays-Bas et la Finlande et prochainement la Suisse puis la France et l’Allemagne.
En 2019, Santé Mentale France, l’INFIPP, et l’UNAFAM ont décidé de mettre en œuvre sur l’ensemble du territoire français le programme de formation « Premiers Secours en Santé Mentale » avec pour objectif :
- Améliorer la connaissance des troubles psychiques ainsi que des dispositifs de soins et d’accompagnement dans la population française.
- Faire reculer la stigmatisation envers les personnes malades ou en situation de handicap d’origine psychique et de leurs familles.
- Faciliter et accélérer l’accès aux soins et leur acceptation quand ceux-ci sont nécessaires.
La Direction générale de la Santé, l’Agence nationale de Santé Publique ainsi que la Fondation de France ont apporté leur soutien à ce projet en contribuant au financement du démarrage[10] .
La cible est le grand public, c’est-à-dire toute personne de 18 ans ou plus. Plus de 3 millions de personnes sont déjà formés dans le monde.
Ainsi, en France, au 1er février 2022 [11] :
- 17 484 secouristes PSSM ont été formés.
- 1 572 formations de secouristes ont été organisées.
- 414 formateurs sont accrédités.
L’animation de la formation standard de 2 jours peut se dérouler dans les formats suivants :
- en continu sur 2 jours.
- en 2 jours non consécutif sur une période 15 jours.
- en 4 ½ journées sur une période d’1 mois.
Le Manuel PSSM France sera remis à chaque secouriste validé par des experts choisis par les services du ministère de la Santé ou par PSSM France. Les thématiques abordées sont : la dépression, les troubles anxieux, la psychose et les problèmes liés à la dépendance.
L’objectif n’est pas une initiation à la santé mentale mais bien de former des secouristes en santé mentale qui donneront des éléments pertinents aux équipes de soins pour une prise en charge en milieu spécialisé ou pas. Cette formation n’est ni un groupe de soutien ou de thérapie mais une formation à visée éducative comme pour les premiers secours physiques.
C’est ainsi que le GRIEPS, fort de ses valeurs orientées vers le rétablissement, la citoyenneté, le pouvoir d’agir et la non-stigamtisation des personnes atteintes de troubles psychiques, s’inscrit dans le développement national de cette action de formation.
Pour aller plus loin et vous former sur les Premiers Secours en Santé Mentale