Soins somatiques en santé mentale : enjeux et perspectives
Des inégalités qui persistent
Toutes les études épidémiologiques confirment que la surmortalité des patients suivis pour des pathologies psychiques sévères est 4 à 4,5 fois supérieure à celle de la population générale, toutes causes confondues. Si les maladies cardio-vasculaires sont généralement la première cause évoquée, une récente étude de l’IRDES[i], classe le cancer comme première cause de mortalité. Il est communément admis que les patients souffrant de troubles schizophréniques ont une espérance de vie diminuée de près de 20 ans.
Ce constat est d’autant plus alarmant que les indicateurs ne s’améliorent pas avec le temps.
Des enjeux médico-économiques majeurs
L’OMS classe 5 maladies mentales parmi les 10 pathologies majeures du XXI° siècle : la schizophrénie, les troubles bipolaires, la dépression, les addictions et les troubles obsessionnels compulsifs.
En France, la santé mentale représente 14.5 % des dépenses totales de l’assurance maladie (derrière les hospitalisations mais devant les cancers et les maladies cardio-neuro-vasculaires) et un rapport de la Cour des Comptes évalue les dépenses afférentes aux pathologies psychiques à 107 milliards d’euros en coûts directs (médicaux et sociaux) et coûts indirects (perte de productivité et de qualité de vie pour les patients). La prévention des pathologies psychiques mais aussi de leurs complications somatiques devient dès lors une véritable priorité de santé publique.
Un manque de formation initiale et continue des professionnels de santé.
La prévention des pathologies psychiques mais aussi de leurs complications somatiques concerne aussi bien les médecins que les infirmiers ou les aides-soignants. La prise en charge somatique des patients souffrant de pathologies psychiques est complexe, il faut savoir observer, décoder des signes ou des comportements qui, bien souvent, déroutent des soignants insuffisamment formés et préparés à cette prise en charge spécifique. Rien n’est prévu dans les programmes d’étude actuels, la reconnaissance prochaine d’une pratique infirmière avancée en psychiatrie permettra-t-elle d’améliorer les choses ? En attendant il est essentiel de développer l’information et d’apporter aux professionnels une formation continue adaptée.
Des raisons d’espérer
Dans un rapport présenté le 28 juin 2018, la Caisse Nationale d’Assurance Maladie appelle les pouvoirs publics à mettre en place des soins somatiques adaptés pour les personnes souffrant de pathologies psychiatriques. Cette prise de conscience est une réelle avancée. Elle rejoint les préoccupations portées depuis 2002 par l’Association Nationale pour la Promotion des Soins Somatiques en Santé Mentale (ANP3SM)[ii] qui œuvre sans relâche pour faire connaître et promouvoir une prise en charge globale bio, psycho, sociale. L’ANP3SM a récemment lancé, en partenariat avec l’ADESM, la FNAPSY et la Conférence Nationale des Présidents de CME de CHS, l’enquête nationale PSY-SOMA 2018 qui permettra d’établir un état des lieux des dispositifs somatiques existants dans les établissements publics gérant des secteurs de psychiatrie. Chaque année elle organise un congrès qui réunit plusieurs centaines de soignants autour de spécialistes de renommée nationale et internationale. Il permet de faire le point sur les avancées en termes de traitement et de prise en charge et de partager des expériences innovantes. Il aura lieu cette année les 17, 18 et 19 juin à Montpellier. Par ailleurs, depuis 2018 un partenariat a vu le jour entre le GRIEPS et l’ANP3SM pour développer des actions de formation continue à destination des soignants.
Souhaitons que ces initiatives portent leurs fruits et permettent de réduire les inégalités d’accès aux soins somatiques des patients présentant des troubles mentaux.